Natif de Mesquer et invalide de guerre AFN et à cause de cela, je milite au sein d'une association d'ACPG invalides et mutilés de guerre et partie prenante concernant le devoir de mémoire.
L'article que j'ai lu sur Ouest-France interpelle la mémoire que j'ai conservé de cette époque.
"Au commencement de l'histoire je devais avoir 7 ans. Tout d'abord ça a commencé par le déménagement de l'école pour laisser la place aux Allemands pour aller au château Kerguistel (petite classe nous étions au RdC) dans le salon-séjour où nous étions très serrés.
Il faut dire que je connaissais bien ce lieu car ma grand-mère tenait la ferme du château et je suivais ma mère qui venait balayer les classes (sans doute le jeudi).
Je me souviens des nombreuses fois où au coup de sifflet nous passions par la fenêtre pour aller dans les fourrés en face. Je pense que cette attente était fictive (quoi que ?). Voilà pour l'école.
Comme je l'ai écrit, ma grand-mère tenant la ferme (grand-père gazé et décédé) les Allemands occupant le terrain à côté avec au centre une mitrailleuse sur pivot et des tranchées autours. Ils ne se gênaient pas pour venir le matin dans la chambre de ma grand-mère "où il y avait une table de toilette" pour faire leur toilette et se raser (ils étaient chez eux).
Je me souviens des lueurs comme des étoiles filantes dans le ciel où une nuit nous nous abritions le long du mur de l'écurie des cochons (il s'agissait sans doute des bombardements de Saint-Nazaire et des tirs de DCA).
Autre sujet : Avec mes parents j'habitais dans la rue du midi juste à côté de l'ancien Doc de l'ouest ; local que les Allemands ont réquisitionné et occupé pour emprisonner en soirée les gens, souvent alcoolisés, qui traînaient dans le bourg le soir, car il faut savoir que toutes les routes accédant à Mesquer (bourg) étaient fermées par deux grandes barrières métalliques entourées de fils barbelés.
Elles étaient rangées sur le côté dans la journée et au milieu de la chaussée et il y avait des trous ronds d'environ 30 à 40 cm sans doute pour y placer des mines pour la nuit. Le jour il y avait des rondelles en bois.
Je me souviens seulement de 3 routes barrées :
- Route de Guérande au niveau de l'impasse de Kergoulinet
- Route de Rostu au niveau du chemin du Velin
- Route de Piriac entre la fontaine de St-Gobrien et le Calvaire
Pour les autres routes je ne m'en souviens pas.
Ma mémoire me transporte aussi vers les plages de Sorlock (la bôle de Merquel ) et de Lanséria qui étaient interdites (champs de mines).
Le moulin situé après le cimetière à l'époque c'était un chemin. Il s'est fait mitrailler (et on voyait les impacts) m’a-t-on dit par des avions d'une patrouille anglaise. Ses ailes avaient deux branches dont une forcément dirigée vers le ciel; sans doute une méprise.
Pour ce qui concerne les Allemands en fonction à côté de chez moi ; bien que je refusais de me faire photographier par l'un d'entre eux (la raison c'est qu'il avait dit à ma mère qu'il avait le mal du pays et c'est parce qu'il avait un enfant du même âge que moi qu'il voulait faire une photo). Il a réussi d’ailleurs, car j'ai dans mes archives une photo qu'il a réussi à prendre et nous l'a donnée, je suis avec une arbalète mais il ne voit pas mon visage car je baisse la tête.
Un autre Allemand se disant pâtissier voulait me donner des biscuits qu'il faisait et que je refusais.
Je peux dire que ces Allemands semblaient paniqués lorsqu'ils voyaient un gradé, surtout le capitaine (qui semblait être le chef), qui, très souvent dans la journée arpentait le trottoir de l’hôtel (aujourd'hui la Mairie) en criant des ordres et en faisant des saluts (Hitler).
Je me souviens aussi d'un local au RdC, juste à côté de l’actuelle Mairie, où était entreposés sur des étagères des postes de radio réquisitionnés chez l'habitant de la commune.
Les bons moments :
Ma grand-mère faisait sans doute moudre son grain au moulin à Batiste et avait donc de la farine, avec laquelle elle préparait avec des proches, la pâte pour faire de grosses miches de pain et ensuite les faire cuire à la ferme de Lanoë. Mais pour cela il fallait partir avant le couvre-feu et passer toute la nuit à la ferme. Mon plaisir, c'était quand ERNESTINE, qui s'occupait du four, ouvrait celui-ci et prenait un morceau dans une miche de pain pas encore cuite, le tranchait en deux parties, mettait du vrai beurre frais de ma grand-mère à l'intérieur et me le donnait (quel régal). Cela changeait du pain noir acheté avec des tickets.
La capitulation allemande :
Étant un gars du bourg je me souviens de la fin de cette guerre quand tous les gens venaient au clocher de l'église tirer sur les cordes des cloches qui ont sonné à toute volée pendant longtemps.
Et l'attente, route de Piriac, des hommes en chemise bleue, en armes, et marchant au pas, qui venaient symboliquement libérer la commune.
Les Allemands étaient partis mais je ne me souviens pas du moment de leur départ ; la nuit me semble-t-il.".
Témoignage recueilli par la mairie de Mesquer en 2012